Camille Guichard
Ces rivages perdus
FotoMasterclass #12
Participer à cette Fotomasterclass quand vous êtes écrivain et cinéaste, et que vous vous retrouvez du jour au lendemain entouré de photographes dont c’est le métier, c’est un peu se jeter dans l’eau du bain, sans en prendre sa température. Alors ça brûle, ça saisit, ça secoue, mais aussi ça regénère, ça donne de la force, l’envie de se surpasser.
Sans FLORE, Sylvie Hugues et Adrian Claret, sans leur indéfectible soutien, leur bienveillance, leurs propositions artistiques et techniques, le chemin aurait été long et compliqué. Tout au long des 8 mois, je me suis senti accompagné, soutenu dans les différentes phases de la formation (Editing, travail sur l’image, tirage et choix du papier, jusqu’au modèle de la boîte de présentation des photos) pour aboutir à une série cohérente qui me corresponde. Et ça, c’est bluffant !
En fait, cette masterclasss, c’est comme si on vous faisait conduire une voiture à triple commande. Vous faites confiance à vos « co-équipiers » dans l’habitacle, et malgré les soubresauts, les souhaits et obsessions, erreurs et maladresse du débutant, tout se passe bien. Dans la douceur et la rigueur. La route apparaît droite et le voyage agréable, le paysage défile à une vitesse ni trop rapide ni trop lente, et une fois que vous arrivez à destination, le tableau qui s’offre à vous est votre propre portrait. Vous souriez devant l’évidence, sauf que le chemin accompli, une fois que vous regardez dans le rétroviseur est plus long qu’il ne vous a paru au volant. Vous avez fait un bond dans le temps comme si c’était une évidence, alors que la route était sinueuse et parfois difficile à suivre tant son tracé était incertain. Quand vous ressortez de la voiture, vous vous sentez différent, plus en confiance. Et il en est de même des autres stagiaires, cela est criant devant le travail accompli. Alors une fois la voiture garée au parking, il faut rentrer chez soi, dire au revoir à vos anges gardiens, et vous vous sentez à la fois esseulé, mais également tellement heureux d’avoir fait ce parcours avec eux, que vous avez envie de pousser d’autres photographes dans l’aventure, les entasser dans la voiture pour qu’ils vivent la même chose que vous.
Camille Guichard
Ces rivages perdus est un travail photographique que je poursuis depuis plus d’un an sur l’érosion du littoral. Je me suis fixé une zone du territoire, la pointe de Gatseau de l’île d’Oléron, où la montée des eaux est la plus étonnante, la plus déconcertante aussi. Cet endroit est désormais réputé pour enregistrer la plus forte érosion d’Europe. Au point de faire disparaître petit à petit ses rivages.
Les photographies que je propose dresse un constat de cette érosion galopante. Et pose le problème du changement climatique et de la montée des eaux : dunes scarifiées, arbres brûlés par le sel, forêts décimées par la mer.
Ce territoire qui disparaît sous mes yeux au cours du temps, je le retranscris en une narration où l’écriture visuelle se mêle à une fiction poétique qui se dévoile par transparence. Je photographie les paysages comme s’ils étaient des métaphores d’un monde plus profond, non comme ils sont, dirait Minor White, ce grand photographe américain de l’après-guerre, mais tel que je suis. J’expose mon ressenti, l’émotion qui m’étreint au moment où j’appuie sur le déclencheur, recherchant un dialogue avec l’objet photographié. Pour que le spectateur soit attiré en premier lieu par la beauté esthétique de l’image, et qu’une fois happé par elle, il soit rattrapé par une autre réalité : un littoral qui se meurt. C’est dans cette dualité émotionnelle que se situe ma démarche créatrice.
EXTRAIT